En
ce début juillet 2014, la police et la justice nantaise commencent à
inquiéter singulièrement les partisans de la Loi et de l'Ordre
républicain. - Quatre dérives.
On
sait que lors de la grande manifestation des anti-aéroport du 22
février à Nantes, un emballement médiatique irrésistible permit
au gouvernement de désigner les 50 000 manifestants pacifiques comme
des criminels et des vandales, voire même selon un préfet qui n'a
pas peur du poids des mots de « vitrine légale d'un mouvement
armé » !
Or,
l'opinion publique a vite compris que les forces de l'ordre avaient
laissé faire quelques destructions spectaculaires en début
d'après-midi dans le centre-ville de Nantes, notamment des départs
de feu qui étrangement ne furent pas éteints, ce qui permit de
fournir de belles images pour les journaux télévisés.
Ce
constat d'inaction, ce n'est d'ailleurs pas nous qui le faisions,
mais un syndicat de policiers.
Mais
ces policiers auraient pu souligner cet autre fait troublant :
non seulement les petits groupes spécialisés dans la destruction ne
furent pas inquiétés dans leurs œuvres, mais les centaines de
policiers en civil déployés à l'intérieur de la manifestation ne
firent rien pour les identifier avant leur précoce dispersion.
Ainsi
ce double acte manqué originel allait entrainer fatalement la police
et la justice nantaise vers une dérive fatale.
Première
dérive : après avoir laissé partir les groupes spécialisés
de destructeurs, il fallait quand même montrer ses muscles, ce qui
fut fait d'autant plus brutalement que l'Etat voulait compléter la
dramatisation de la journée en prouvant qu'il serait désormais
dangereux de manifester son opposition pacifique à l'aéroport, en
tirant des centaines de projectiles sur une foule désarmée, dont
trois ont mutilé à vie des jeunes gens.
Deuxième
dérive : laisser à la police le soin de collecter les
témoignages et traces vidéo disponibles, une police ainsi juge et
partie de ces événements où elle est impliquée, au lieu de
confier l'enquête à un juge d'instruction indépendant.
Troisième
dérive : faire taire les policiers républicains tentés de
critiquer les errements de leur hiérarchie, d'abord en les invitant
à porter plainte en masse (!), puis en tentant d'acheter leur
conscience avec une prime.
Quatrième
dérive, et non la moindre, car il s'agit désormais des magistrats
de Nantes : Alors que l'opinion publique chauffée à blanc
réclamerait peut-être des coupables, et que les quelques personnes
arrêtées en flagrant délit n'étaient pas les bonnes (et pour
cause, si on les a laissées partir), les juges de Nantes ont décidé
dans les semaines suivantes de condamner avec une sévérité
anormale les « lampistes » que la police lui fournit au
compte-goutte, en puisant dans ses fichiers de militants
anti-aéroport.
Il
en résulte des mois de prison de ferme, avec parfois mandat de dépôt
immédiat sans possibilité de faire appel, pour des délits, parfois
sans rapport avec la manifestation du 22 février, comme hier lundi 7
juillet au tribunal, où un homme accusé d'attroupement violent en
manifestation se retrouve emprisonné pour un vol de livres et de nourriture dans un
magasin et refus de prélèvement ADN... Mais l'important semble être d'incarcérer,
coûte que coûte.
Tout
cela est-il bien raisonnable, se demanderont forcément les
défenseurs de la Loi et de l'Ordre, si ces mots ont encore un sens
à Nantes ?
Car
la sévérité de ces peines interroge sur la sérénité judiciaire
à Nantes (dans une enceinte qui ces dernières années n'avait pas
osé condamner un policier ayant expérimenté son flash-ball lanceur
de balle de défense sur le visage d'un enfant manifestant.)
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