Il
a déjà suscité bien des commentaires, ce micro-interview de
Frédéric Gagey, PDG d'Air France, paru hier 12 mai 2014 en toutes
éditions dans Ouest-France. En effet, à une question sur le projet
de Notre-Dame-des-Landes, s'il évoque l'hypothétique intérêt de
ne pas survoler Nantes, le grand patron d'Air France sonne clairement
le signal d'un désaveu face à toutes les tentatives technocratiques
de justifier le projet : « En revanche, l'idée d'un grand
hub international entre Nantes et Rennes, on n'y croit pas trop. Nous
ne pensons pas qu'il y ait un potentiel suffisant ».
Autant
dire que nous sommes devant la perspective désastreuse d'une vaste
et coûteuse plateforme aussi inutilisée que l'aéroport mort-né de
Ciudad Real en Espagne. N'en déplaise aux aventureux aménageurs-bétonneurs des
milieux dirigeants locaux.
Mais
il y a un autre élément très intéressant dans ce bref entretien, c'est
que le journaliste Samuel Nohra pose aussitôt une très pertinente
et impertinente question en évoquant la ligne grande vitesse qui va
mettre Rennes à 1h27 de Paris dès l'année 2017, et qui pourrait
amener Air France à « revoir sa stratégie », c'est à
dire à remettre en cause des lignes Paris-province, si « la
France a fait le choix de développer le train à grande vitesse ».
Or,
en confrontant le projet de NDDL et celui de la LGV entre Paris et
Rennes, le journaliste rejoint une préoccupation répétée depuis
leur création par les « Entretiens de la Perle » et
notre OBSLAB, Observatoire et laboratoire de la démocratie locale.
Nous
faisions remarquer le contraste troublant entre une cigale et une
fourmi : entre le projet gabegique d'un aéroport à
Notre-Dame-des-Landes, comme une nouvelle « folie »
aristocratique de notables nantais, 300 ans après les fastes
négriers, et la sagesse opiniâtre de Rennes – et de Bordeaux !
- où l'on a compris l'intérêt du train à grande vitesse pour
s'accrocher solidement aux flux économiques et humains rattachant à la dorsale européenne
Londres-Milan.
Alors
que le TGV Nantes-Paris, on le sait, ne circule plus en grande
vitesse à partir du Mans, les Rennais ont réussi le tour de force
de réunir environ trois milliards d'euros pour rallonger la voie
jusque chez eux, en en faisant payer les deux tiers par la
collectivité nationale. Tandis que le pays nantais patine et risque gros à régler seul les chausses-trappes de son Partenariat avec Vinci.
Quand
au milliard à ajouter pour son LGV, Rennes a réussi à convaincre
les départements Bas-Bretons de mettre la main à la poche, jouant
superbement son rôle de capitale régionale, y compris les Bretons
méridionaux, comme le Morbihan, qui naguère étaient orientés vers
le pays nantais (avec en plus cette coquetterie : faire cotiser très cher
la Région pays-de-la-Loire pour le segment de LGV Rennes-Paris entre
Sablé et Laval !).
Bref,
Nantes risque de se retrouver isolée, sans hinterland, au bout de
l'Europe, sans grand aéroport et sans non plus de train à grande
vitesse. Un tel déclassement, est-ce bien raisonnable quand nos
élites locales se vantent hautement de l'excellence de leurs
expertises ?
LGV
contre NDDL : un contraste de méthode, et un derby breton dont
on n'a pas fini de parler.
Je tiens à apporter une petite nuance : le pays nantais n'aurait pas à supporter seul le prix du partenariat public privé avec Vinci : les deniers publics de l'Etat, de la Région Bretagne, et je crois aussi des 4 départements de la Bretagne administrative, sont aussi engagés.
RépondreSupprimerCertes, mais il faut saluer le tour de force des Rennais, qui tout en ne misant pour Notre-Dame-des-Landes que quelques dizaines de millions, se font offrir deux milliards par la collectivité locale pour leur LGV (un premier milliard au nom du Grenelle de l'environnement, et un autre réglé par le Réseau ferré de France).
RépondreSupprimer